Lunchbox [Lucius]

Le métro londonnien était réputé pour être un endroit peu fréquentable et dangereux. Jodie n'y avait jamais eu à élever la voix. Ah, les réputations...

Jodie, complice du chef des Rebelles, jeune femme de 22 ans, rebelle convaincue attendait son supérieur. Elle ne savait pas vraiment si elle était arrivée à l'heure, en avance ou en retard. Mais toujours est-il que Carter ne se trouvait pas là où ils devaient se retrouver. Tant pis.
Il était bientôt midi. Midi était une heure stratégique où presque personne ne se trouvait dans le métro : ils mangeaient dans un café, un restaurant ou au bureau. Ils faisaient une pause pour déguster un sandwich ou un bon repas préparé avec amour par leur femme ou par un chef cuisiner. Selon leur origine sociale. Toujours était-il que personne n'était dans les rues et seuls deux hommes d'affaires débraillaient discutant un café à la main attendaient le prochain métro qui devait arriver dans trois minutes.

Jodie, elle, était assise sur un banc salle derrière deux vieilles affiches publicitaires pour des magasins de vêtements et de bijoux. La jeune femme portait ses habituelles lunettes d'aviateur. Les deux hommes d'affaire l'avaient regardée avec dédain à cause de ses lunettes : sans doute parce que le ciel était lourd aujourd'hui, lourd et le soleil était masqué par d'éternels nuages gris. La jeune femme soupira en jetant un coup d'oeil sur le bout de ciel qu'elle pouvait voir depuis son banc. Pour le reste de sa tenue vestimentaire, la jeune femme n'avait pas innové aujourd'hui. Elle portait simplement un jean sombre et assez moulant dont les pattes "d'eph" traînaient par terre ainsi qu'un simple débardeur blanc très fin qui lui servait aussi de sous-vêtements. Jodie trouvait que l'usage de soutien gorge était aussi horrible que l'usage de corset. Mais passons, par dessus ce fin débardeur, une large chemise violette était ouverte, rentrée dans son pantalon et les manches étaient remontées jusqu'au coude. SOn habituel collier était encore froid contre sa peau et Jodie s'était coiffée très vite ce matin. Enfin, ce matin : disons qu'elle s'était levée à dix heures à cause du coup de fil de son boss.

La jeune femme mangeait. Elle avait réussi à trouver un fast-food bien gras et pas trop cher et s'était acheté le complet menu Royal Burger, frite et fanta comprit. Oui, Jodie n'est pas vraiment connue pour son alimentation équilibrée. Elle adorait la malbouffe, tout ce qui était gras, ultra sucré avec plein de sel. Tout ce qui était mauvais pour la santé en gros. Mais on ne renie pas ses origines américaines. La jeune femme s'essuya les mains, reposa son hamburger sur les papiers sur ses genoux et se recoiffa un peu avec son miroir de poche.
Ce n'était pas qu'elle était spécialement omnibulée par ses cheveux, mais elle ne voulait pas apparaître plus laide qu'elle ne l'était. Il fallait dire qu'à côté de son londonnien de patron, elle faisait un fort contraste. La jeune femme était toujours habillée comme si elle n'était qu'une starlette américaine abandonnée à Londres alors que Lucius Carter était toujours vêtu d'un élégant costume noir. Même chose pour l'accent : son accent américain faisait grincer des dents et l'accent british de Carter faisait rêver les gentes demoiselles. Cependant, elle aimait bien parler avec lui. Il était assez froid au premier abord, changeant, mais en fait, c'était quelqu'un de sympa. Il ne s'était pas trop laissé rebuter par son ignoble accent et l'avait mise dans la confidence du grand secret des Rebelles. Jodie avait apprécié cette confiance et elle était vraiment prête à tout pour en être digne. Même se lever à dix heures après une soirée de fête et se préparer en vitesse pour un rendez-vous inopiné dans le métro.

Le métro arriva.
Les deux hommes d'affaire embarquèrent sans lui jeter le moindre regard. Elle reprit son hamburger et mordit dedans. Une grande perche blonde juchée sur talons hauts, moulée dans une petite jupe courte. Encore une anorexique coincée du c*l.

Go mak' ya rape, bitchy..., pensa-t-elle en la regardant sortir, roulant des fesses en montant l'escalier. Those damn hamburgers are f*cking good...

La jeune femme savourait sa nourriture bien grasse quand soudain une présence la fit sursauter. Jodie faillit s'étouffer avec son hamburger :

- Goddamn it ! You f*cking scared meh ! s'écria-t-elle la bouche pleine.

C'était évidemment Lucius Carter, son boss, le Leader des Rebelles qui se tenait à côté d'elle.

L'homme ne pourra jamais cesser de rêver.
Le rêve est la nourriture de l'âme
Comme les aliments sont la nourriture du corps.
[ Paul Coelho ]

S'il y avait bien une chose que Lucius Carter n'aimait pas, c'était de se lever tôt. Mr Nobody n'était tout simplement pas du matin. Mais en même temps comment exiger cela de quelqu'un qui avait reçu une éducation aussi bourgeoise que la sienne : lorsqu'il se réveillait jadis, son petit déjeuner et son journal l'attendait. Cependant, cette époque était bien révolue, et, en cette journée typiquement londonienne, à savoir que les éclats d'un brillant soleil étaient cachés par d'épais nuages de pluie, Lucius émargea de son lit vers environ 11heures.

Il fronça les sourcils en quittant son lit douillet. Il était de ceux qui ne se rappelaient jamais de ses rêves, mais d'après lui, la réalité à laquelle il était confronté ressemblait suffisamment à un cauchemar. Alors pourquoi chercher une échappatoire dans le sommeil ? Non, lui il l'a trouvé auprès des monstres de Poe, des affabulations de Lovecraft ou encore derrière les délires psychotiques de King.

Sur ces sombres pensées, et après avoir avalé une tasse de thé fumante (to be or not to be english !), Lucius prit une rapide douche. Il en émergea plus frais que jamais et s'habilla. Il mit son éternelles costumes noires et ses bottes. Avant, il était fier de ses Doc Martens, maintenant, il se disait juste qu'il devait trouver une autre paire : ces chaussures manquaient cruellement de classe ... Mais bon. Il mit ses lunettes sur son nez et se jeta un dernier coup d'œil dans le miroir avant de partir. Oui, Lucius était narcissique, mais contrairement à la plupart des égocentriques mal louché, il ne passait pas tout son temps à se regarder et à vanter les mérites de sa propre personne : il s'aimait, un point c'est tout. Et, en se contemplant dans le miroir, il se trouvait intérieurement superbe : ses cheveux noir encadraient son visage et ses yeux rouges, semblaient briller tel deux rubis cachés sous ses lunettes. Mr Nobody s'empara de son manteau, l'enfila et sortit.

Le trajet jusqu'à la station de métro fut bref et silencieux. C'était un endroit que Lucius évitait par principe (mais avez vous seulement vu l'état des lieux ?), mais il s'était dit que c'était le meilleur endroit pour un rendez vous. Un rendez vous de la plus haute importance, car il allait voir la rebelle avec qui il avait le plus d'affinité : Jodie. Pour être tout à fait honnête, Lucius la trouvait très marrante, les occasions de rire se faisaient de plus en plus rare de nos jours. Elle avait également un véritable tempérament de feu et un caractère bien trempé. Lucius aimait bien la vexer rien que pour la voir s'irriter, c'était un véritable spectacle à ses yeux qu'il ne se lassait jamais de voir. Enfin, c'était l'aspect « superficiel » de leur relation, car personne ne savait que Mr Nobody avait mis sa complice dans la plus grande des confidences possibles, il était maintenant deux à connaître le lourd secret qui pesait sur les épaules de tous les Rebelles. Pourquoi ? Parce que Lucius ne voyait que trop souvent arriver le jour de sa mort.

Il arriva à la station de métro qui, comme il l'avait prévu était déserte. Il emprunta aussitôt les escaliers. Lucius croisa une jeune femme blonde qui lui fit un immense sourire, Mr Nobody se contenta de lui adresser un simple sourire poli ne s'arrêtant même pas. Il n'en voyait que trop souvent des sourires, les gens le voyant comme une sorte de sauveur, un messie réincarné. Il avait horreur de cette étiquette. Il était un homme parmi tant d'autres hommes et comme les autres, il essayait de faire ce pourquoi on l'avait mis là. Sa tache était juste plus ... compliqué voilà tout.

Le métro arrivait lorsque Lucius remarqua sa complice. Elle était assise sur un banc délabré, son dos collé au mur. Elle portait ses éternelles lunettes d'aviateur et mangeait goulument un hamburger. Autre sourire de la part de Lucius. Il ne comprenait vraiment pas comment quelqu'un de censé pouvait manger de telles ... Immondices. Mais là encore on devait se demander si ce n'était pas son éducation qui parlait plutôt que l'homme derrière les lunettes. Enfin bref, toujours avec ce sourire sur les lèvres (que n'importe qui aurait pu attribué à l'expression même du sadisme), Lucius décida de ... « secouer » un peu Jodie.

Aussi, tel le plus vicieux des serpents, il s'approcha d'elle. Elle était bien trop occupée à s'empiffrer pour remarquer quoi que ce soit, et cela lui fut très facile. Il se contenta de sourire et lorsque Jodie vers lui, elle sursauta.

Goddamn it ! You f*cking scared meh !

la jeune femme, la bouche pleine.

[i]L'expression de Lucius demeurait indéchiffrable : toujours ce demi-sourire fixé sur son visage. Cependant, intérieurement, il riait. Mais l'expression de Jodie était décidément trop tordante, on aurait dit qu'elle s'était retrouvé en face du diable en personne, en plus, elle avait manqué de s'étouffer avec sa « nourriture ». Oui, tout ceci était très hilarant pour Lucius. Mais heureusement, Mr Nobody avait un peu plus de classe et de self control que cela. Aussi, il se contenta de sortit un mouchoir du revers de son manteau et de le lui tendre. Le mouchoir était noir bien évidemment, mais que pouvait-on attendre d'autre de la part de Mr Nobody ?

- I forget that you were always so ... Charming.

La moquerie était perceptible dans son ton, il le savait. Mais il avait envie de l'énerver un peu, juste pour voir si elle allait sortir de ses gonds ou bien décidé de rester professionnelle. C'était très difficile à répondre, sans compter que Lucius avait la capacité de tourner en dérision la plus sérieuse des conversation. Derrière le masque qui lui servait de visage, il était impossible de savoir lorsqu'il était sérieux et lorsqu'il ne l'était pas.

– And may I know why you're eating this ... thing they call food ? Remind me to take you for dinner one day, and I mean real dinner.

Ils parlaient parfaitement bien l'anglais tous les deux, et le français aussi d'ailleurs, mais Lucius ne se lassait pas d'entendre cet accent anglais si particulier qu'était celui de Jodie. Et puis c'était un code entre eux, ils ne parlaient que des choses sérieuses en français. Aussi, Lucius ajouta dans la langue de Molière :

- Nous sommes extrêment chanceux, il n'y a personne à part nous.

Elle se faisait avoir à chaque fois. Elle se demandait toujours comme il faisait, comment elle faisait, comment ils faisaient ! Elle se faisait avoir. Il apparaissait comme par magie à côté d'elle dans les moments les plus improbables alors même qu'elle l'attendait ! Jodie le soupsçonait même de faire de la magie. Oui, vous savez ces petits tours de magiciens qu'on fait sur scène. Ce genre de chose où on arrive jamais à trouver le truc même en pensant aux choses les plus folles. Ben voilà, Lucius, c'était ça. Et elle c'était le spectateur ébahi à chaque fois.
Et lui, il se contentait de sourire. Ce sourire étrange dont lui seul avait le secret. Un sourire indéchiffrable, tout comme lui. Jodie eut une moue et remit ses lunettes qui avaient légèrement glissé le bout de son nez. Elle fit semblant d'être vexée encore une fois. En fait, ça l'amusait plus qu'autre chose. Mais elle sentait qu'elle aurait du être vexée de s'être ainsi laissé surprendre par celui qu'elle attendait.

Lucius, sans se laisser perturber par sa réaction et sa moue - mais sincèrement, qu'est-ce qui le perturbait vraiment ? - lui tendit un mouchoir. Noir. Comme d'habitude. Ce devait être sa couleur préférée tiens. A moins que ce ne soit cette absence de couleur qui l'intriguait dans le noir. Personnellement, Jodie n'aimait pas trop le noir. Elle avait horreur de s'habiller tout en noir : ça avait le don de la déprimer, de lui retirer son énergie bouillonnante. Mais il fallait avouer qu'on avait très vite la classe avec du noir. Il fallait voir quand elle allait en mission secrète dans la nuit et qu'elle était habillée tout en noir. Et puis, Lucius lui-même, elle était sûre que ses fringues étaient un atout considérable à son habituelle classe. En plus, le noir, ça tache pas.
Mais passons à des affaires plus importantes que ces réflexions sur le noir, les couleurs etc... La jeune femme saisit le mouchoir et s'essuya la bouche avec.

- 'f course, I'm an American, how could I be nice to the eyes of a british ?! dit-elle.

Contrairement à Lucius, elle utilisait rarement l'ironie. Elle préférait aller direct là où elle voulait aller. Jodie lui lança un regard en coin derrière ses lunettes. Le ciel était lourd et l'ombre jouait dessus mais elle était sûre qu'il pouvait saisir son regard. Il n'était le leader des rebelles pour rien !
Jodie s'en fichait d'ailleurs pas mal qu'il se moque d'elle ou pas. Il était un des seuls autorisés étant donné qu'il était un des seuls à être son supérieur. Ah ça, Jodie n'obéissait pas à tout le monde. Et elle se demandait même si elle lui obéirait autant s'il n'était pas aussi... mystérieux avec son sourire en coin et son visage indéchiffrable. Si ça se trouvait, elle avait faux sur toute la ligne depuis le début de leur conversation et il était en train de lui faire un vrai compliment. On ne pouvait jamais vraiment savoir. Alors Jodie se laissait aller à la première réaction qu'elle trouvait : la réaction explosive. Et comme il le lui avait rarement reproché cela, elle continuait.

Enfin vint la réflexion sur sa nourriture. Elle savait que c'était aussi un des graaaaaands sujets de discussion avec les londoniens. Enfin, ceux qu'elle fréquentait : comment pouvait-elle absorber autant de nourriture grasse tout en étant consciente qu'elle mangeait la pire des nourritures ? Allez savoir : un besoin urgent de profiter de la vie et de toutes les cochonneries que l'homme avait inventées pour empoisonner l'homme ? Ou bien encore un moyen qu'elle avait de montrer aux yeux de tous les monde qu'elle venait de la patrie du fast-food et non pas du pays de la pluie ? Ou tout simplement, un manque flagrant de goût de sa part ? Sans doute... Allez savoir, elle-même avait des doutes sur ses motivations.
Mais, sans se laisser démonter, la jeune femme croqua dans son hamburger à nouveau en plantant ses yeux dans ceux de Lucius. Petite provocation gratuite accompagnée d'un grand sourire. Il n'y avait rien de méchant là-dedans, juste son habituelle envie de montrer qu'elle ne changeait pas aussi facilement. Et qu'elle aimait la nourriture grasse.
Néanmoins, les paroles de son supérieur ne tombèrent pas dans l'oreille d'une sourde et dès qu'elle eut finit de mâcher ce qu'elle avait dans la bouche, Jodie s'exclama :

- I'm O.K. for a diner with ya and tha food ya like, but I'm not gonna pay for a f*cking pudding... I'm a lady, ya pay for me and I may come ! fit-elle en riant un peu.

Ça, c'était sûr, elle n'avait rien d'une lady londonienne et bien peu d'hommes avaient le courage de l'inviter au restaurant, allez savoir pourquoi. Elle sourit un peu, mais redevint aussitôt sérieuse lors que Lucius utilisa le français pour lui parler.
C'était une sorte de code : avant, les membres de la haute société parlait français entre eux même s'ils étaient tous les deux anglais. Et même si Jodie ne pouvait pas se débarrasser de son horrible accent américain, elle parlait très bien le français. Ne sous-estimez jamais une Jodie, surtout si son nom est Farkind Kingstone.
Ce fut donc avec un certain professionnalisme que la jeune femme qui s'ettouffait avec son hamburger quelques instants plus tôt répondit :

- Vous êtes arrivés pile à l'heure, tout à l'heure deux mecs louches traînaient, mais ils sont partis avec le métro d' il y a cinq minutes. D'ailleurs, il faudra faire attention au prochain qui ne devrait pas tarder à arriver.

Jodie lui tendit un petit guide touristique qu'elle avait acheté il n'y avait pas longtemps pour avoir les lignes des métros et quelques horaires pour ses rendez-vous inter-rebelles.

[Désolée du retard ^^"]

L'expression de Lucius demeura inchangée lorsqu'elle accepta son invitation à dîner. Avec une certaine réserve, certes, il fallait qu'il paye. Mr Nobody fut très tenté de lui demander quel genre d'homme elle avait l'habitude de fréquenter : il était peut être narcissique à souhait, vaniteux sur les bords (oui, sur les bords seulement), nombreuses de ses compagnes l'avaient même traité de salaud, mais il n'était pas radin. Alors s'ils allaient dîner, il lui ferait une cours dans les règles de l'art : il lui ouvrirait la porte, lui servirait du vin, et peut être même que si elle était sage ... Il lui préparerait un dessert. Lui romantique ? Absolument pas. Mettez ça sur la dose de romans chevaleresques qu'il avait lu. Mais évidement, Lucius ne lui dit rien de tout ceci, se contentant de regarder droit devant lui, fixant un quelconque panneau publicitaire et ne cillant pas.

Vous êtes arrivés pile à l'heure, tout à l'heure deux mecs louches traînaient, mais ils sont partis avec le métro d' il y a cinq minutes. D'ailleurs, il faudra faire attention au prochain qui ne devrait pas tarder à arriver.

Bien entendu qu'il était pile à l'heure ... Il était toujours pile à l'heure ...
Il laissa cette remarque acerbe lui brûler la gorge et se contenta de lui prendre des mains le petit guide touristique qu'elle lui tendant. Le sourire de Lucius disparut en voyant ce vestige d'un temps passé : à quoi bon servait les guides à présent vu que l'on croyait Londres morte ? L'être humain vraiment ... Lucius regarda les horaires et regarda l'heure sur la montre qui était accrochée à son poignet. Héritage de famille. Enfin, on pouvait la considérer comme telle étant donné qu'il l'avait prise au cadavre de son père.

– C'est exact. Le prochain métro arrive dans moins de cinq minutes. Soit nous prenons le risque que je me fasse reconnaître soit nous nous dépêchons.

Ceci étant dit, Lucius rangea le guide dans la poche de son veston. Il voulait à tout prix éviter une effluve de sentiments, il ne voulait pas que quelqu'un se jette sur lui pour réclamer quelque chose ou scander une phrase du genre « libérez Londres ! ». Il n'était personne, personne ne devrait les reconnaître lui et ses complices. La plupart de leur ennemis, les agents du chaos, étaient de véritables ombres, il fallait en faire de même. Et il voulait que Jodie puisse agir efficacement et en toute liberté, pour cela il fallait que les gens l'assimile à du vide, là alors elle pourrait se terrer dans les coins sombres et pourrait agir en tout impunité.

– Ou alors je pourrais faire semblant de vouloir attirer vos faveurs et vous pourriez me repousser ?

fit Mr Nodoby avec un début de sourire.

Le voilà qui se remettait à plaisanter, c'était en effet très dur de savoir lorsqu'il était sérieux. Et très honnêtement ... Il n'aimait pas trop être sérieux et s'ennuyait souvent dans son rôle trop parfait de gentlemen anglais. Alors, autant se contenter des petits plaisirs de la vie, à savoir pour l'instant : faire sortir Jodie de ses gonds. Elle n'était pas si habituellement calme, avait-elle décidé de l'imiter lui et son self contrôle parfait ? Grand dieu, il espérait que non ...
Aussi, il se rapprocha vicieusement d'elle, dans un mouvement aussi fluide que celui d'un serpent et murmura contre sa joue.

– Or maybe I should kiss you for real ?

Aussitôt cette remarque lancée, et il ne doutait pas que Jodie allait lui répondre, surtout avec un caractère comme le sien, il s'écarta d'elle et sortit un papier de sa poche. Il le lui tendit, il y avait écrit dessus le nom de la personne qu'il voulait qu'elle surveille de très près : Angela Leighton.

– Mais trêves de plaisanteries ... J'ai besoin que vous ... sympathisiez avec quelqu'un.

Le ton de Lucius était sans appel : qu'elle utilise tous les moyens possibles.

Spoiler:

– C'est exact. Le prochain métro arrive dans moins de cinq minutes. Soit nous prenons le risque que je me fasse reconnaître soit nous nous dépêchons.

Un léger sourire passa sur les lèvres de Jodie. Elle s'était rendue compte à quel point Lucius avait horreur de ces petits bourgeois qui lui sautaient au cou pour lui faire promettre de 'sauver Londres' ou bien de 'Bouter les Agents du Chaos hors de Londres' etc. S'ils se trouvaient encore là pendant que la foule venant du prochain métro se déversait sur le quai, le Leader des Rebelles allait sans doute être servi ! Des fois, Jodie adorait son anonymat...
La jeune femme vit le sourire de Lucius étendre à nouveau ses lèvres. Presque inconsciemment, elle fronça les sourcils et eut un petite moue : ça ne présageait rien de bon. Il devait lui réserver encore une de ces surprises étranges... La surprise tomba avec son grand naturel : lui faire des avances ? Jodie dut faire une tête à mourir de rire, comme si elle tombait des nues ! Des avances ? Lui ? Elle ? La jeune femme baissa ses lunettes d'aviateur sur son nez et regarda son boss par-dessus pour être sûre qu'il était bien en train de plaisanter. Son mystère, quelques fois, lui faisait peur... Surtout quand il se mettait à plaisanter...

- Vous êtes en train de rire, là, n'est-ce pas ? demanda-t-elle, hésitante, le scrutant toujours.

Ill aurait pu être acteur et jouer un personnage tragique en se moquant de lui-même que tout le monde aurait cru qu'il se prenait complètement dans son rôle... Jodie remit ses lunettes sur son nez et regarda ailleurs un instant, scrutant les alentours comme pour se redonner un peu de sérieux.

C'est alors que Lucius eut la très bonne idée de poursuivre sa 'blague' : d'un mouvement fluide et presque reptilien, il s'approcha d'elle et murmura tout contre sa peau que cela aurait été une très bonne idée de l'embrasser... pour de vrai...
Le rythme cardiaque de la jeune femme s'emplifia intensément d'un seul coup et Jodie sentit le sang lui monter aux joues, les colorant légèrement de rouge. La jeune rebelle fit un bond en arrière, manquant de tomber du banc où elle était tranquillement assise avec un très élégant : "Baaaaaah !!!"... Self-control over, Lucius avait encore gagné. Elle devrait tenir les comptes un jour... La jeune femme jeta un regard noir à Lucius :

- Ya can't think what ya're sayin', fit-elle.

La jeune femme respecta alors une certaine distance avec Lucius : il était tellement illisible qu'il pourrait décider de mettre sa menace à exécution ! Ce n'était pas que Jodie n'aimait pas son boss, au contraire, c'était même une des seules personnes à qui elle obéissait mais de là à le laisser l'embrasser, il y avait une certaine distance. Une grande distance même. Les personnes qui commencent à embrasser leur boss, même pour rire, ça finit comme ses parents. Autant dire que Jodie n'avait aucune envie de ressembler à sa mère...
Le rythme cardiaque de la jeune femme ralentit un peu : il ne tentait rien. Jodie recommença à respirer et à reprendre contrôle d'elle-même, pour l'instant. Lucius redevint sérieux. Comment faisait-il pour passer de plaisanterie à grand sérieux ? Encore un grand mystère du personnage, il fallait croire... La jeune femme saisit le bout de papier qu'il lui tendit en prenant un grand et ridicule soin à éviter tout contact physique. Elle ouvrit le bout de papier et lut le nom. Angela Leighton. Cela lui disait quelque chose... Elle fronça les sourcils et releva la tête vers son boss pour dire quelque chose, mais il lui expliquait déjà sa mission. Elle devrait sympathiser avec cette jeune femme.
C'était pour le moins étrange : on lui avait donné tout un tas de missions, tuer, voler, massacrer, réduire au silence, espionner, mais sympathiser avec quelqu'un, jamais... Jodie hocha la tête pour montrer qu'elle avait reçu le message cinq sur cinq.

- - Boss, j'peux quand même vous poser des questions par rapport à la mission ? C'est pas de la contestation, je le ferais, mais je crois que vous savez très bien que vous ne m'aviez jamais donné de pareilles choses à faire avant...

Même si l'américaine n'était pas une intellectuelle, elle savait voir quand quelque chose était anormal, et cette mission devait être importante. Jodie ne connaissait pas la personne en question, cette Angela, mais son nom lui rappelait fortement celui de l'ancien chef des Agents du Chaos. Se trompait-elle ? Etait-ce une mission d'ordre mineur ? Elle en doutait...
La jeune femme glissa le papier dans la proche de son pantalon pour ne pas l'oublier.

- But, don't come closer, O.K. ? rajouta-t-elle et faisant un léger geste de recul.

On ne sait jamais à quoi s'attendre avec les boss, décida Jodie. Surtout CE boss. Mais après, tout, ce n'était pas aussi déplaisant, elle était sûre qu'elle s'ennuierait si elle avait hérité d'un autre chef, très sérieux et qui ne lui faisait pas frôler la crise cardiaque toutes les trois secondes.

[HS : désolée du retard, je devrais répondre plus vite maintenant !]

La réaction de sa complice face à son indécente proposition ne lui arracha qu'un demi-sourire. Demi-sourire accompagné par la pensée qu'il venait de marquer un point, chose que, Lucius se chargeait tout de suite de remarquer. Mais une autre partie de lui fut pour le moins surpris de la réaction de Jodie ... (Il aurait alors fallu également lui accorder un point car Mr Nobody ne se laissait que très rarement surprendre.) S'écarter de cette manière là en poussant un cri ... Etait-il si peu désirable ...
Absolument pas.
Lucius chassa aussitôt cette pensée de son esprit. Pas besoin d'être un génie pour voir à quel point il point il était beau ... Pourtant, la plupart des gens le prenait pour un être asexué à la personnalité beaucoup trop noble et terrifiante pour supporter la compagnie d'une charmante demoiselle. C'était complètement faux. Enfin ... Pas entièrement. Comme tout bon être humain qui se respecte, Mr Nobody appréciait les plaisirs de la chair, il n'avait tout simplement pas le temps ni la patience de s'investir dans une relation. Lucius se connaissait plutôt bien, et étrangler son épouse ne lui semblait pas une solution si absurde que ça. Donc en somme ... Il faisait une faveur à tout le monde en préférant sa simple compagnie.

Lorsque Jodie lui demanda s'il pensait vraiment ce qu'il disait , il lui répondit tout simplement :

– You should see your face ... It's just priceless.

Puis, ils étaient passé aux choses sérieuses, dérivant de la plaisanterie à l'austère comme Lucius savait si bien le faire. A ce jeu là, il était aussi doué qu'un chef d'orchestre.
Lorsqu'il lui tendit le papier, elle le prit et hocha la tête pour montrer qu'elle avait compris. Ensuite, vint la question. La question que Lucius n'aimait pas beaucoup ... Encore une fois elle le surprit en demandant plus d'informations, elle ne le faisait pas d'habitude. Leur conversations professionnelles se limitaient à des vagues instructions et étaient généralement suivies d'une dispute au cours de laquelle Lucius faisait tout pour la pousser à bout. Mais cela n'allait jamais plus loin ...
Aussi, Mr Nobody poussa un profond soupir avant de la fixer et de dire :

– Do you actually know that is the first time you ask me why ?

Il était légèrement énervé. Mais comme d'habitude le masque qui lui servait de visage n'exprimait rien, seul détail changé : son sourire avait disparu.
Lucius ne voulait pas qu'on lui demande pourquoi, ou même encore comment où bien dans quel but ? C'était eux, les Londoniens, son groupe de rebelles, eux qui étaient venus le trouver. Alors il jouait le rôle de leader et pour cela il avait besoin qu'on lui accorde une confiance absolue. Une confiance totale. Peut-être que c'était trop demander, peut-être que aucun être humain ne pouvait se fier à une autre personne de son espèce avec une telle dévotion.
Et pourtant Lucius l'exigeait.

– La réponse à votre pourquoi est-elle nécessaire ma chère camarade ? Eh bien à votre pourquoi, j'en répondrai un autre, mais tout à fait différent si vous le voulez bien. Pourquoi contester mes ordres ? Pourquoi cette fois-ci et pas une autre poser cette question en particulier.

Il s'approcha d'elle, envoûtant et charmant tel le vil magicien qu'il était. Il n'avait plus aucun espace de libre entre eux et c'est dans le creux de son oreille qu'il murmura :

– You don't need to understand why ...Just do it. And I can even assure you that you'll have a big reward.

Lucius avait de nouveau le sourire aux lèvres car, une fois encore, il avait réussi à tourner la situation à son avantage. Histoire qu'elle oublie sa question initiale. C'était vraiment traître et lâche mais ... Que voulez vous ? Il avait appris avec les meilleurs !

– And I wasn't thinking about kissing you.

C'était vrai, c'était une première. D'habitude, Jodie ne demande jamais rien, elle fait son boulot, c'était tout. Mais avant, on ne lui avait jamais demandé non plus de sympathiser avec une jeune femme qui portait un nom très proche, si Jodie s'en souvenait bien, de l'ancien chef des Agents du Chaos. Elle n'avait pas peur du danger que cela pouvait représenter, c'était juste... Que jamais Lucius ne lui avait confié une mission demandant des relations avec une autre personne. Sauf, bien sûr quand il s'agissait de tuer, de torturer etc. En gros, c'était une première et la jeune femme n'était pas tout à fait sûre d'être à la hauteur. Mais cela, bien sûr, elle ne l'avouerait jamais.

Quelques minutes auparavant, il lui disait qu'elle tirait une tête d'enfer, ils plaisantaient, et maintenant, l'atmosphère était redevenue froide. C'était comme un jeu de pile ou face, sauf que la pièce tombait toujours du côté que Lucius voulait. Il soupira et la fixa. Elle ne détourna pas les yeux, même si cela lui demanda un effort considérable.

- I know that's the first time. That's also the first time you ask me something like that... l'accent purement américain de la jeune femme semblait avoir légèrement disparu.

Nul reproche, la vérité. Jodie était intriguée, elle était inquiète, elle ne savait pas comment s'y prendre ni quelles informations elle allait collecter. Ce devait bien sûr son manque de confiance en elle qui devait, en ce moment-même se lire sur son visage comme dans un livre ouvert qui devait l'agacer, il ne souriait plus : il détestait qu'on le conteste. Il n'aimait sans doute pas perdre son temps à expliquer le pourquoi du parce que à ses subordonnés.
Elle l'écouta parler. Il se posait les mêmes questions qu'elle, mais d'une toute autre manière, comme il le précisait. Cette question : pourquoi ? Rares étaient ceux qui la lui avaient posée. Quand elle était sortie dans un état lamentable de cette rue et qu'elle avait marché vers eux, ils l'avaient acceptée, ils l'avaient assise parmi eux et elle avait toujours tout fait pour mériter cette place. Combien de personnes lui avaient posé cette question : pourquoi ? Et elle avait apprit à ne pas la poser non plus. Puisqu'elle était là, autant faire ce qu'on lui disait de faire, comme un brave petit soldat. Elle répondit en français :

- Non, c'était comme ça. C'est une mission spéciale, une première, je me demandais juste quel genre d'infos j'allais récolté, mais je vous donnerais toutes celles que je pourrais rassembler. J'imagine que je la trouverais près du palais de Westminister. Je ne voulais pas contester vos ordres, vous savez très bien que je le ferais, mais...

Jodie avait croisé les bras et reprit son accent américain, mais pas avec autant d'entrain. Claquer les bottes, c'est ce qu'elle était censée faire et c'est ce qu'elle ferait. Nulle tristesse, c'était comme au premier meurtre : on ne sait pas ce qu'on va faire avant de lever le canon du flingue sur le visage de la cible. Elle finirait bien par la trouver, cette Angela et sympathiser avec elle comme si elle était la plus innocente des demoiselles. Cela servirait la cause des rebelles et voilà tout, pas la peine de se prendre la tête, n'est-ce pas ? Alors que la jeune femme était à nouveau plongée dans ses pensées, elle se laissa à nouveau avoir par Lucius. Oui, décidément, elle n'apprendrait jamais. A moins, qu'en réalité, elle aime se faire avoir ainsi, ce devait être un truc dans son inconscient..
Le Leader des Rebelles s'était à nouveau approché d'elle, exactement de la même manière discrète et reptilienne qu'auparavant. Doucement, contre son oreille, comme un amant aurait pu lui murmurer des inepties sur sa pseudo-beauté, il lui intima de ne plus poser ce genre de questions. Leçon retenue, chef ! En revanche, un léger détail la titillait et lui fit faire une légère moue.

- Don't think I need a big reward, pliz. I'll do it and I'll do it fine. Ya won't have ta worry 'bout that.

L'accent américain était totalement revenu, la Jodie fidèle à la cause des rebelles commençait à revenir également. Cela devrait lui plaire. La jeune femme aurait voulu faire une blague, quelque chose qui détende l'atmosphère, mais disons que la proximité de Lucius avait quelque chose de... dérangeant. Elle était sûre que beaucoup de femmes auraient donné n'importe quoi pour avoir cette proximité, elle se demandait même, si les circonstances avaient été différentes, si elle l'aurait repoussé. Mais il était bel et bien son boss et la première leçon que sa mère lui avait donnée, c'était bien de ne jamais entretenir une relation amoureuse avec le boss. Ça lui donne une raison de plus pour te virer.
Jodie connaissait la proximité, quand elle allait en boîte, quand elle avait des amants, c'était la même chose, mais l'aura glaciale de Lucius avait quelque chose de bien plus spécial, bien plus original : elle sentait le sang déferler dans les veines de ses tempes et son coeur battre avec une certaine rapidité.

– And I wasn't thinking about kissing you, finit-il par lui répondre.

Elle en profita pour se lever. On entendait déjà la voix métallique annoncer l'arrivée du prochain métro dans une minute. La jeune femme passa une main dans ses cheveux, comme pour apparaître décontractée alors qu'il n'y avait à peine quelques secondes, elle était hyper-tendue.

- Autre chose à ajouter, boss ? fit-elle avec un grand sourire.

Claque les bottes, sourit et fais ton boulot. C'est le chef qui sait ce qu'il fait, pas toi.

» Rp avec Lucius ?